Ethnotempos 42

par Frédéric Gerchambeau

TRI A TOLIA est une invitation à voyager en permanence entre deux mondes, l’Occident et l’Orient, mais toujours en première classe, celle des membres de ce groupe déjà très en vue et qui sort là son premier opus.

Parlons tout d’abord de Melike TARHAN, la chanteuse de ce trio, dont le premier album Macar a été un succès international révélant une compositrice/interprète turque d’un immense talent, formée aussi bien au chant classique qu’au chant oriental, et même qu’au chant indien. Lode VERCAMPT, le violoncelliste belge de la formation, après avoir multiplié les prix lors de nombreux concours a tout simplement atteint le degré de Maître au conservatoire de Gand. Quant à Osama ABDULRASOL, le troisième membre de ce trio, c’est un musicien/ compositeur/producteur de très haut niveau irakien capable de jouer d’une pléthore d’instruments dont le qanun, la guitare, l’oud et le bendir.

Pour exister, TRI A TOLIA a donc été visiblement obligé de surmonter deux problèmes évidents, à savoir : comment ne pas apparaître comme une chanteuse vedette accompagnée de ses deux musiciens ? Et comment ne pas apparaître comme avant tout un groupe oriental alors que c’est aussi une formation européenne ?

Tout a bien sûr consisté en un équilibre délicat entre parties chantées et parties instrumentales autant que dans l’équilibre entre les instruments. Or, ces équilibres ont été si bien réussis qu’il s’en dégage une impression fort agréable mais étrange, une sensation de musique à la fois novatrice et ancienne. Bien sûr, c’est la voix magique, magnétique et magnifique de Melike TARHAN que notre oreille va suivre au début. Mais très vite ce sont les instruments qui attireront notre attention. Alors flottera un parfum indécis qui nous transportera en Orient tout en nous ramenant en Europe. La musique de TRI A TOLIA est ainsi, enracinée et nomade.

Mais maintenant que TRI A TOLIA a fait naître son Zumurrude, c’est à l’auditeur de faire l’effort d’en apprécier toutes les finesses. Sinon il risque trop rapidement de considérer cet album comme une suite de chansons lentes, certes belles, mais vaguement similaires les unes par rapport aux autres. Il faut vraiment écouter attentivement cet opus, se laisser porter par lui. Ce n’est qu’alors que le livre de contes pourra s’ouvrir, référence à la belle ZUMURRUDE, personnage des Mille et Une Nuits, qui donne son nom à l’album. L’histoire veut qu’elle fut enlevée et qu’elle et son amant passèrent le reste du récit à se chercher, avant de se retrouver finalement. C’est un peu ce périple l’un vers l’autre que doivent accomplir le Zumurrude de TRI A TOLIA et son auditeur. TRI A TOLIA a fait les premiers pas, à l’auditeur de parcourir le restant du voyage. Il ne regrettera pas ses efforts, bien au contraire.

J’en profite d’ailleurs pour dire (re-re-redire en réalité !) que c’est tout à l’honneur de Homerecords d’oser, comme à son habitude, sortir ce genre d’albums un peu difficiles au départ mais tellement enrichissants pour les oreilles et l’esprit au bout du compte. Ne ratez surtout pas cette nouvelle occasion de vous en convaincre.

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